" Le 1er septembre 1994, j'ai
rencontré, à Jérusalem, un proche
d'Yitzhak Rabin. je lui ai remis une lettre en lui demandant
de la donner en main propre au Premier ministre. J'y
écrivais: un mathématicien israélien a
découvert un code secret de la Bible qui semble
décrire en détail des événements
qui se au sont produits des milliers d'années
après que la Bible a été
rédigée. La raison pour laquelle je vous
écris, c'est que, la seule fois où votre nom
en entier -Yitzhak Rabin - apparaît codé dans
la Bible, il est barré par les mots "L'assassin
assassinera". Quatorze mois plus tard, le 4 novembre 1995,
se produisait l'horrible confirmation : Yitzhak Rabin
était abattu d'une balle dans le dos."
C'est ainsi que commençait le récit
édifiant de Michael Drosnin, un journaliste
américain dont la vie a été
bouleversée en 1991 par la découverte du code
secret que contiendrait le Livre des livres. Drosnin est un
ancien du " Washington Post " et du " Wall Streetjournal ",
deux quotidiens très sérieux. C'est un
journaliste d'investigation, plutôt sceptique,
absolument pas porté au mysticisme ni à
l'ésotérisme. "je ne suis que le reporter qui
est tombé sur le code ", précise-t-il. Drosnin
vérifie et contrevérifie son hypothèse
délirante depuis cinq ans en faisant appel aux
meilleurs spécialistes des probabilités et de
la physique quantique. Aujourd'hui, il peut se targuer,
sinon de leur soutien, au moins de leur extrême
indulgence. Mathématiquement, les travaux d'Eliyahu
Rips, le savant israélien qui a initié Drosnin
au code, sont inattaquables. Il y aurait bien une Bible sous
la Bible : un réseau complexe de mots et de phrases
cachés dans le texte hébreu de l'Ancien
Testament qui révélerait tous les
événements de l'humanité survenus
depuis que Dieu s'est adressé à Moïse, et
annoncerait tous ceux à venir. Cet ensemble de
cryptogrammes, qui dessine dans le corps dit texte
sacré d'étranges mots croisés
protéiformes et interconnectés, fonctionnerait
comme un programme informatique interactif en constante
évolution, d'une sophistication suprahumaine. <,
Quelque chose, dit Drosnin, d'aussi étrange pour nous
aujourd'hui que l'aurait été un ordinateur
pour les nomades du désert d'il y a trois mille
ans."
Depuis presque toujours, des premiers kabbalistes aux
numérologues New Age, en passant par les alchimistes
du Moyen Age, on a voulu " faire parler " la Bible. Le seul
espoir de trouver la clé chiffrée qui
expliquerait, ou éclairerait, les métaphores
sibyllines des ancêtres mystiques des trois religions
du Verbe, a épuisé de nombreuses vies. Newton
lui-même, le père de la physique moderne, a
sacrifié à l'obsession : jusqu'à sa
mort, il a voulu prouver que l'Univers était un
gigantesque cryptogramme mis en place par le Tout-Puissant.
Son biographe raconte qu'il voulait " déchiffrer
l'énigme du cerveau de Dieu, l'énigme des
événements passés et futurs divinement
préconçus ". Dans les années 30, un
rabbin de Prague s'est aperçu que, dans la
Genèse, le livre de il Exode, le livre des Nombres ou
le Deutéronome, s'il commençait à une
certaine lettre, puis en sautait cinquante, retenait la
suivante, et en sautait à nouveau cinquante, cela
quatre fois de suite, il obtenait le mot " Torah ". A la
main, et avec sa mémoire d'Homo sapiens, le rabbin
n'a pas pu aller plus loin. " Le texte caché de la
Bible, explique Drosnin, était codé à
l'aide d'une serrure à retardement qui ne s'ouvrirait
que lorsque le premier ordinateur aurait été
inventé." On disposerait donc, pour la
première fois, de l'arme magique capable de percer
les arcanes du Créateur. A condition d'avoir une
puissance de calcul suffisante pour détecter les
codes alternés qui jouent avec l'infinité de
combinaisons existant entre les mots et les
caractères de la Bible, plus ceux issus du cryptage,
l'Homo sapiens de l'an 2000 va enfin pouvoir lire et
comprendre la Bible. La vraie. Tout v serait écrit,
tout y serait "dit,>: des événements et des
hommes les plus exceptionnels aux plus anodins. Absolument
tout. C'est ce que soutient mordicus Drosnin. Faute de stock
illimité d'octets, Rips et Drosnin n'ont lancé
leurs ordinateur que sur la piste des V.i.p. de l'Histoire.
Les élections américaines de 1992 : six mois
avant, ils découvrent rattaché à "
Clinton " son futur titre de , président ". Le
Watergate : en face du scandale des plombiers de la
Maison-Blanche, ils trouvent le nom de ,Nixon,> et la
petite question : " Qui est-il? Président, mais il a
été chassé." grande dépression
de 1929: elle apparaît connectée avec " actions
" et " effondrement économique ". Le premier pas de
l'homme sur la Lune : il est codé avec " vaisseau
spatial " et " Apollo 11 ". Ce dernier message était
caché dans le passage de la Genèse où
Dieu dit à Abraham : " Lève les yeux vers le
ciel et compte les étoiles, si tu peux les
dénombrer "! De la même façon,
"Auschwitz ", codé avec " solution finale ", " zyklon
B ", " Eichmann ", était contenu dans le passage du
texte courant parlant de " La fin de toute chair, ".
A en croire Drosnin (on a le droit de rêver), chaque
information est livrée avec un maximum de
détails. Dans le langage crypté de la Bible,
on parle " en clair ". Dans le même verset où
il décrypte le nom de " Rabin " couplé avec la
sentence " L'assassin assassinera ", Drosnin découvre
également le lieu (Tel-Aviv) et la date de l'attentat
(5756: de septembre 1995 à septembre 1996 dans le
calendrier hébreu). Après le drame, qui lui
confirme définitivement la validité du code
secret, Drosnin réinterroge le texte : il
s'aperçoit qu'à proximité de la
révélation fatidique on lit un autre nom Amir
". C'est celui de l'assassin de Rabin.
Il y a trois mille ans, une intelligence supérieure
aurait anticipé et codifié l'ensemble des
événements futurs de la planète Terre.
Puis, finalement, au début des années 80, un
mathématicien opiniâtre, aidé d'un
ordinateur et d'une foi à déplacer les
montagnes (du savoir), aurait réussi à
écomer le divin mystère de l'agencement du
monde. Au départ, ça semble dur à
croire. On pense plutôt à un délire
d'informaticien en proie à une forte fièvre
millénariste. Le 19 mars 1996, Robertj. Auman, un des
experts mondiaux de la théorie des jeux, membre
à la fois de l'Académie des sciences des
Etats-Unis et de celle d'Israël, déclare
solennellement devant cette dernière institu6on : "
Le code de la Bible est un fait établi.
Statistiquement, les travaux de Rips vont au-delà de
ce qu'on exige d'ordinaire. Ses résultats sont
significatifs à 1 pour 100 000. Vous ne trouverez
tout simplement pas de résultats pareils dans les
expériences scientifiques habituelles."
L'éminent savant précise : " Cela choque ma
formation de mathématicien. C'est si différent
de ce qu'on connaît en sciences. Il n'y a lien eu de
comparable dans les centaines d'années de la science
moderne."
En 1992, quand Drosnin débarque pour la
première fois en Israël, c'est pour faire
l'interview du chef des services secrets. Il
s'intéresse à l'époque aux conflits du
Moyen-Orient. L'année d'avant, la guerre du Golfe,
avec Saddam Hussein dans le rôle du nouvel Hitler
doté du feu nucléaire, a sérieusement
ravivé chez les Occidentaux la peur panique d'un
troisième conflit mondial radical. Un jeune officier
suggère à Drosnin d'entrer en contact avec le
Pr Rips. " C'est un matheux qui a trouvé la date
exacte à laquelle la guerre du Golfe s'est
déclenchée. Dans la Bible. Trois semaines
avant le début des hostilités. Incroyable mais
vrai ", lui dit-il. ' juste avant de repartir aux
Etats-Unis, Drosnin se rend chez Rips. Il s'en souvient
encore : "J'étais parfaitement incrédule .
J'ai saisi une Bible et je lui ai demandé de me
montrer où il était question de la guerre du
Golfe. Au lieu d'ouvrir le livre, Rips a cliqué sur
la souris de son ordinateur. Sur l'écran où
défilait le texte sacré, j'ai soudain
distingué plusieurs caractères d'une
même page cernés de cercles de couleurs
différentes, qui formaient une espèce de mots
croisés. Rips m'a sorti un tirage. On pouvait
parfaitement recomposer les mots "Hussein", "Scud" et
"missile russe". Il y avait également la mention de
la date : "Le feu du 3 de Shebat". Le 18janvier 1991, le
jour où l'Irak a lancé son premier missile sur
Israël, le message décrypté par Rips
provenait du même chapitre de la Genèse, le 14,
celui qui relate les guerres d'Abraham avec les royaumes
voisins. J'étais éberlué." Rips raconte
ensuite au journaliste sous le choc comment il a fait cette
découverte incroyable. Au début, il a suivi
les traces du rabbin tchèque et de Newton, et
comptait simplement les lettres. Puis les ordinateurs
surévalués sont arrivés. Rips a saisi
l'ensemble de l'Ancien Testament sur son disque dur et l'a
transformé en une seule série continue de
lettres, longue de 304 805 unités. L'ordinateur, en
partant de la première lettre, recherche alors toutes
les séquences alternatives possibles significatives,
c'est-à-dire des mots qui apparaîtraient
régulièrement si on lisait le texte en sautant
des intervalles de 1, 2, 3, 4 lettres ... jusqu'à des
milliers. L'ordinateur recommence ensuite à la
deuxième lettre, et ainsi de suite.
"J'ai trouvé beaucoup plus de mots codés que
les statistiques le prévoyaient, selon les lois du
hasard,,, confie Rips à Drosnin. Il décide
alors d'interroger le corpus sacré et il rentre dans
son programme les noms de 32 sommités de l' Histoire,
ainsi que leur date de naissance et de mort. Serait-il, "
par hasard ", codé dans le Livre des livres? Rips
tente en parallèle la même expérience
avec le roman russe " Guerre et paix " et deux autres textes
témoins. Les chances de trouver par hasard
l'information codée sont de 1 sur 10 millions.
L'ordinateur travaille pendant 444 heures et, tout à
coup, la " divine " surprise : une combinaison
aléatoire fonctionne. Elle est dans la Bible. Et
nulle part ailleurs. Rips communique le résultat de
ses recherches à la revue " Statistical Sciences >
ainsi qu'aux départements spécialisés
en probabilités des plus grandes universités
américaines, Yale, Harvard ... Après maintes
controverses et contre-expériences, il est finalement
publié. Ses adversaires hurlent à la
supercherie, en disant qu'il est inévitable qu'on
trouve des " groupes significatifs " dans la masse
énorme de données de centaines de milliers de
signes. Rips a les calculs pour lui : " Les chances que le
nom entier de Rabin apparaisse associé à la
prédiction de son assassinat sont de 1 sur 3 000. On
estime en général qu'un rapport de 1 à
100 se situe au-delà du hasard. Les tests les plus
stricts jamais utilisés sont de 1 à 1
OOO."
Entre-temps, Drosnin, fasciné, est devenu
l'exégète du cryptographe de la Bible. Le
vieux pro sceptique n'en revient pas lui-même. Mais
c'est si fou! Lors de ses incessants voyages entre les
Etats-Unis et Israël, Drosnin, angoissé par
cette révélation si énorme, demande a
Rips : - Et si ce n'étaient que des
coïncidences?" Calmement le maître sort une
pièce de sa poche et se met à jouer à
pile ou face. Et il parle : " Si cette pièce est
normale, elle tombera autant de fois d'un côté
que de l'autre. Si elle tombe vingt fois de suite du
même côté, c'est qu'elle est
truquée. Autrement, la probabilité qu'elle
réalise l'exploit de tomber sur pile ou face vingt
fois successivement est de moins de 1 sur 1 million! La
Bible est comme une pièce truquée :elle est
codée."
Après la mort de Rabin, Rips et Drosnin
n'arrêtent pas d'interroger le texte d'où ils
ont extrait les horribles informations prophétiques.
Ils finissent par tomber sur une phrase : " tout son peuple
à la guerre ", associée à " holocauste
d'Israël " et " armurerie atomique ". Date: 5756. Le
dimanche 25 février, au matin, un kamikaze
palestinien fait sauter un bus à Jérusalem.
Bilan : 24 morts. Cela faisait main tenant bientôt
trois ans qu'Israéliens et Palestiniens
s'étaient réconciliés avec la fameuse
poignée de main, sous la bénédiction de
Bill Clinton. Le processus de paix vient d'être
gravement agressé. Rips et Drosnin vivent
vissés à leurs machines. Bientôt, un
nouveau message venu de la nuit des temps tombe sur leurs
écrans de cruciverbistes fous : " fin des jours ",
connecté avec " holocauste atomique " et une date
hyper-précise : 29 elul. Affolés, ils ont
à nouveau pris contact avec les autorités
israéliennes. Le plus curieux, c'est qu'ils ont
été reçus et entendus! Le 13 septembre
1996 (29 elul) était un jour radieux à
Jérusalem. Hormis le lot quotidien de massacres, de
crimes et de délits, c'était un jour ordinaire
dans le monde. Il ne s'est vraiment rien passé
d'exceptionnel. Aucun " cyber Hiroshima" n'a fait exploser
notre " Cinquième élément". Nous sommes
toujours là. Michael Drosnin aussi, qui publie un
best-seller à nous mettre la tête à
l'envers et qui précise gentiment, quand on lui fait
remarquer que pour septembre 1996 il s'est bel et bien
trompé : "Rappelez-vous ce que disait Einstein quand
il évoqua "Le secret du Vieux", Dieu ne joue jamais
aux dés".
|