Au départ, Keel pense
être sur la piste d'un oiseau de grande taille. Dans
le meilleur des cas, l'affaire concernerait la
cryptozoologie, étude des animaux énigmatiques
[kryptos = caché, en grec] comme le monstre
du Loch Ness ou le Yéti. Mais il découvre
rapidement que les observations de la créature
ailée coïncident avec celles d'ovnis classiques.
Et les témoins des apparitions de la créature
présentent des yeux rouges et gonflés, comme
cela a été constaté à la suite
d'observations d'ovnis, d'après les enquêtes de
Keel. L'énigme concerne donc bien l'ufologie.
Pourtant, ce qui se passe à Point Pleasant ne
ressemble pas aux autres affaires d'ovnis, à Exeter
ou dans le Michigan. Là-bas, la vie des gens est
certes bouleversée par l'observation de
phénomènes sur lesquels ils sont incapables de
mettre un nom, et par l'attitude des autorités qui
refusent d'assumer les événements. Mais les
problèmes s'arrêtent là. À Point
Pleasant, en revanche, Keel a conscience qu'il est
très difficile de situer la frontière entre le
ciel et la Terre, entre les phénomènes et les
témoins. En d'autres termes, si le ciel est
hanté, les humains eux-mêmes semblent subir de
bizarres pressions. Car le Mothman n'est pas le seul
phénomène à se manifester.
À Point Pleasant, on commence à noter les
aller et venues de mystérieuses Cadillacs noires
conduites par des personnages vêtus de costumes noirs.
Les témoins racontent à Keel avoir reçu
la visite" d'agents de recensement", "d'inspecteurs du
téléphone" et autres employés de
l'administration au comportement et à l'allure
inhabituels. Mary Hyre, la journaliste du Messenger, voit
débarquer dans son bureau d'étranges
personnages qui lui demandent comment elle réagirait
si on lui demandait de ne pas publier les rapports qu'elle a
recueillis. Ces individus sont "décalés" :
leurs vêtements et leur voiture sont flambant neuf
mais totalement démodés. Et leur visage, aux
traits orientaux, est anormalement bronzé. Rappelons
que nous sommes en 1966, et que les habitants de Point
Pleasant n'ont donc pas vu Men in Black au cinéma.
Et, comme si cela ne suffisait pas, les témoins
commencent à recevoir de mystérieux coups de
téléphones. À l'autre bout du fil, une
voix leur débite d'incompréhensibles messages
à toute vitesse, comme un disque passé en
accéléré. Parfois, la communication se
limite à une série de bip, ou à des
bruits électroniques sans signification. Mais
à certains moments les appels semblent provenir de
personnes connues. Ainsi John Keel se retrouve t-il
accusé d'avoir appelé un témoin pour
lui donner rendez-vous, tandis que lui-même
reçoit les appels d'un soucoupiste qui prétend
lui donner des nouvelles de son épouse alors qu'il
n'est pas marié. Bref, à Point Pleasant, le
paranormal sonne aux portes, roule en Cadillac et il est
abonné aux télécome.
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