Au début, cependant,
le peuple guanche s'opposa à cette incursion
étrangère. Avant que Jean de Bethencourt
chambellan de Charles VI, puisse étendre son
hégémonie sur les Canaries, ses troupes eurent
à faire face à la résistance
désespérée des Guanches qui
préféraient la mort à la servitude.
Dans ces combats, les Français reconnurent le courage
et la bonne foi de ces indigènes. Jean de
Béthencourt racontera d'ailleurs lui-même que
ses soldats s'étant emparés d'un groupe de
femmes réfugiées dans une grotte de
Fuerteventura, ils virent l'une d'elles étrangler son
enfant pour qu'il ne tombât pas entre les mains des
envahisseurs.
La conquête de l'archipel des Canaries par les
Espagnols, en 1478, acheva de réduire ce peuple
à l'impuissance. Dans ce même temps, une
épouvantable épidémie, appelée
par les Espagnols " modorra ", décima les Guanches
qui n'avaient pas accepté la défaite.
Dès lors, les survivants se virent offrir le
baptême et leurs noms désormais
hispanisés se confondirent bientôt avec ceux
des conquérants.
Les ethnologues anciens et modernes qui ont
étudié la nature de cette race guanche ont
distingué deux types bien distincts. L'un, le plus
répandu, de taille haute supérieure à
1,80 m, imberbe, aux yeux et à la peau clairs, et au
front de penseur. L'autre, de taille plus réduite,
avec une peau sensiblement plus brune, des yeux de jais et
un profil convexe qui révélerait un origine
sémite. Il y a encore, mais de façon
très localisée, à Gomera, des individus
de courte taille et à tête large. Les
Français d'abord, puis les Espagnols, furent
très étonnés d'observer ce peuple
guanche aux murs si archaïques, mais
héritiers d'une civilisation évoluée et
originale. Tout en ignorant l'usage des métaux et des
tissus et n'utilisant que des outils en pierre, ils
connaissaient en revanche l'écriture, l'astronomie et
appréciaient la poésie. Leur
législation, encore, était très
élaborée et leur religion avait des rites
compliqués. L'alphabet des Guanches, fort
heureusement recueilli par les premiers missionnaires
envoyés aux Canaries, ressemble aux alphabets des
langues sémitiques (Phénicien,
Carthaginois, Hébreu). Mais on a
découvert à plusieurs reprises dans les
îles de l'archipel, des inscriptions en
caractères inconnus. Lors d'un voyage effectué
sur place, Robert Charroux a pu photographier une des ces
inscriptions alphabétiformes à La
Caleta (île Hierro).
Les linguistes ont pu établir certaines connexions
entre le Guanche et les dialectes parlés par
les Touaregs et par les Berbères, et
plus spécialement par les Senhadja qui
habitent le Hoggar. Des traces d'influence arabe
semblent certaines. Il ne fait aucun doute, pour le moins,
que le monde antique connut l'existence des Guanches. Ainsi,
le roi de Mauritanie, Juba II, qui vivait au Ier
siècle de notre ère, nous parle des îles
habitées par cette ethnie. II vante leur nombreuse
population et leur prospérité. L'île
actuelle de Ténériffe, aux riches
plantations de palmiers dattiers, était
appelée jadis " Junonia ". Plus loin encore dans les
siècles, Platon lui-même décrit
les Guanches comme de grands hommes blonds, mais il leur
prête aussi une maîtrise incomparable dans l'art
de traiter les métaux et d'édifier les
cités. Ce qui est incontestablement à
l'opposé des possibilités guanches du
XVème siècle, qui n'utilisaient plus qu'un
outillage d'os, de pierre ou de bois, et aménageaient
des grottes pour y habiter. En rapport encore avec
d'anciennes relations entre les Guanches et des peuplades du
Sahara, le colonel Braghine cite une trouvaille près
de San Miguel, dans l'île de
Ténériffe, d'une soixantaine de momies,
environnées d'un grand nombre de poteries et de peaux
de lion. Or, souligne cet auteur, " ce qui a plongé
les savants dans une grande perplexité, c'est que le
lion n'a jamais existé sur ces îles ! "(
L'énigme de l'Atlantide, 1952).
Le rapprochement linguistique du guanche et de l'arabe
constituerait pour plusieurs auteurs une preuve de l'origine
atlante de la population des Canaries. Les
Touaregs avec qui ils auraient été en
rapport, ancêtres eux-mêmes des
Garamantes, seraient les descendants de ce " peuple
de la mer " refoulé de la Vallée du Nil par
les soldats du Pharaon Ramsès Il au XIIIe
siècle avant notre ère.
Récemment enfin, des anthropologues ont fait observer
une prédominance du groupe sanguin O parmi les
Canariens de souche. Or, avec eux se signalent les
Basques et les Corses. Si il est à
peine besoin de souligner combien le " mystère "
basque n'a toujours pas été
élucidé, on se souviendra que les Corses
furent entraînés dans l'immense
déferlement des envahisseurs venus du
Nord.
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